Opinion : Il faut soutenir la création d’universités d’excellence en Afrique
Seules cinq universités africaines figurent dans le top 500 du classement de Shanghai 2014, dont quatre en Afrique du Sud et en Egypte. L’Afrique souffre donc toujours d’un manque criant d’universités d’excellence.
Dans le même temps, la demande d’enseignement supérieur a fortement augmenté sur le continent. La moitié de la population d’Afrique subsaharienne a moins de 25 ans (dont 190 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans).
Au cours de la prochaine décennie, onze millions de jeunes devraient entrer chaque année sur le marché du travail. De plus, une classe moyenne de plus en plus nombreuse est à la recherche d’une éducation de qualité pour ses enfants. Mais trop de jeunes Africains quittent le continent pour poursuivre leurs études universitaires à l’étranger (plus de 300 000 par an), souvent sans projet de retour, ce qui entraîne une fuite des cerveaux préjudiciable pour l’avenir du continent.
Des études à l’étranger coûteuses
De plus, ce choix de l’éducation internationale est très coûteux, tant pour les familles (8 000 à 10 000 € par an en moyenne) que pour les Etats qui octroient les bourses. Ce coût se répercute sur une grande partie des étudiants qui ne peuvent pas bénéficier de la formation universitaire à laquelle ils aspirent, et sont contraints de rester dans leur pays.
Ces étudiants sont ainsi souvent victimes de la surpopulation des classes (l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, conçue à l’origine pour 20 000 étudiants, en accueille près de 70 000) et de la rareté des opportunités d’emploi. Le taux de chômage des diplômés africains s’élève en effet de 30 à 40%, certains affirmant que cela est dû à des filières souvent peu adaptées aux besoins du marché du travail.
Quelques réponses concrètes à ce besoin croissant d’éducation de haut niveau :
– Première à l’échelle du continent, la Banque mondiale a lancé en 2014 un programme de financement (150 millions de dollars) de dix-neuf « pôles d’excellence » dans huit pays africains pour soutenir les études scientifiques et techniques.
– De même, au Burkina, une quinzaine d’États africains, d’entreprises privées et d’institutions ont créé en 2006 2iE, une école d’ingénieurs de 3 500 étudiants. Par ailleurs, des universités internationales de renom ont ouvert des campus africains. Carnegie Mellon a ouvert un campus au Rwanda en 2012. Après la Chine et l’Inde, l’Ecole Centrale Paris a ouvert une école à Casablanca en 2014.
– Enfin, quelques initiatives purement privées émergent ; on peut citer l’Ashesi University (plus de 600 étudiants), une école d’ingénieurs fondée en 2012 au Ghana qui développe des partenariats avec des universités d’excellence (Babson College, USA) et des entreprises industrielles (General Electric). On peut également citer une initiative sud-africaine, ALU (African Leadership Unleashed), dont la mission est de développer un réseau de vingt-cinq universités privées sur le continent avec deux premiers campus à l’île Maurice et au Kenya à l’horizon 2015-2017.
Toutefois, ces nouvelles institutions sont encore peu nombreuses et ne suffisent pas à répondre à l’immense défi auquel le continent est confronté.
Le système universitaire africain de demain reste à inventer. Quatre pistes peuvent être proposées :
– Premièrement, au-delà de l’aide des bailleurs de fonds internationaux, il faudrait faciliter la mise en place d’instruments de financement appropriés pour accompagner la création et l’expansion des établissements d’enseignement supérieur. L’expérience d’Enko Education, fonds spécialisé dans l’enseignement primaire et secondaire en Afrique, pourrait être appliquée à l’enseignement universitaire.
– Deuxièmement, dans un contexte contraint, des efforts doivent être faits pour créer de nouveaux modèles moins consommateurs de capital. L’utilisation accrue des technologies permet, par exemple, en dématérialisant certains cours, d’avoir accès à une éducation de qualité grâce à des cours en ligne (2iE est un exemple de cette utilisation des MOOC).
– Troisièmement, il faut renforcer les partenariats académiques et industriels pour « produire » des diplômés avec une formation académique internationale et des compétences pratiques, leur permettant d’être rapidement employés après l’obtention de leur diplôme (951 TP3T des diplômés 2iE trouvent un emploi en 6 mois).
– Enfin, quatrièmement, pour répondre à l’exigence sociale d’accès à l’éducation du plus grand nombre, il faut développer des programmes de bourses d’études à grande échelle (l’Université Ashesi héberge 40% de fonds propres principalement financés par de grandes fondations).
Nelson Mandela a dit : « L’éducation est l’arme la plus puissante que nous puissions utiliser pour changer le monde. »… Commençons à équiper l’Afrique !
Source : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/05/07/il-faut-soutenir-la-creation-d-universites-d-excellence-en-afrique_4629156_3212.html